Cela va bientôt faire un an que je n’ai rien publié. J’ai pourtant écrit plusieurs brouillons ces derniers mois, mais aucun ne me semble suffisamment abouti pour le mettre en ligne.
J’ai repris un travail à plein temps depuis février et je ne trouve plus assez d’énergie et de temps libre pour écrire comme avant. Je réalise à quel point le travail prend de l’énergie, et je tiens tellement à avoir un minimum de temps libre que je ne veux pas le remplir de nouvelles tâches.
Seulement, j’ai envie de continuer à écrire, à lire des livres, mettre en forme mes idées et les partager, pour mieux comprendre les questions que je me pose. Je ne veux pas que mon activité principale se résume à mon travail.
Alors je reprends, enfin, sous une autre forme, en y passant moins de temps, en écrivant de manière plus spontanée sans me relire de nombreuses fois, faire relire, et m’assurer que ce que j’ai écrit est intéressant.
Ce n’est pas grave après tout si tout ce que j’écris n’est pas intéressant pour tout le monde, n’est-ce pas ? Et pourtant c’était une pression que je me mettais, du perfectionnisme qui m’empêchait finalement de faire ce que j’avais envie de faire : écrire tout simplement.
Nostalgie
En ce moment, je ressens une nostalgie particulière, celle d’un monde perdu, d’un mode de vie que je n’ai jamais connu, qui a déjà existé, et qui à présent a disparu : celui d’exister librement et sans condition. Exister en tant qu’être vivant, respirer de l’air pur, sentir mes pieds sur terre, observer la nature qui m’entoure, me nourrir, découvrir le monde, m’abriter, et vivre.
Cette existence libre et vivante, je ne peux que l’imaginer maintenant. Je sens qu’elle me manque, que j’aurais pu la connaitre, que mes très lointains ancêtres l’ont connue, mais aujourd’hui, elle n’existe plus et ne pourra plus exister.
Car l’air est pollué, la terre s’appauvrit, l’eau intoxiquée, les conditions naturelles de vie sauvage sont quasi inexistantes. La terre naturelle, tel qu’elle a pu exister n’existe plus, définitivement. Les déchets toxiques s’accumulent, le climat se dérègle de manière permanente, les forêts continuent à être rasées, les animaux sauvages disparaissent. Les êtres humains vivent dans des pays avec des frontières et des lois, doivent avoir une pièce d’identité, ne peuvent pas circuler librement, ne peuvent pas subvenir à leurs besoins essentiels de manière autonome. Il n’est plus possible de vivre en autonomie, en communauté, en cultivant la terre, en se nourrissant exclusivement de ce qui se trouve à proximité, en construisant un abri, sans devoir demander des autorisations, payer des taxes, travailler.
Je ressens cette nostalgie de vie libre, et je n’ai aucun espoir, aucune consolation. Le monde moderne est un gâchis.
Inspirations et références
Le temps de la fin, Günther Anders
Cet extrait du texte “Notre besoin de consolation est impossible à rassasier” écrit par Stig Dagerman en 1952 :
Par contre, il n'est pas en mon pouvoir de rester perpétuellement tourné vers la mer et de comparer sa liberté avec la mienne. Le moment arrivera où je devrai me retourner vers la terre et faire face aux organisateurs de l'oppression dont je suis victime. Ce que je serai alors contraint de reconnaître, c'est que l'homme a donné à sa vie des formes qui, au moins en apparence, sont plus fortes que lui. Même avec ma liberté toute récente je ne puis les briser, je ne puis que soupirer sous leur poids.
Par contre, parmi les exigences qui pèsent sur l'homme, je peux voir lesquelles sont absurdes et lesquelles sont inéluctables. Selon moi, une sorte de liberté est perdue pour toujours ou pour longtemps. C'est la liberté qui vient de la capacité de posséder son propre élément. Le poisson possède le sien, de même que l'oiseau et que l'animal terrestre. Thoreau avait encore la forêt de Walden - mais où est maintenant la forêt où l'être humain puisse prouver qu'il est possible de vivre en liberté en dehors des formes figées de la société?
Une version chantée du texte par les têtes raides :
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